Il fallait s’y attendre, le Hippie Rasta Moderne a vieilli. Il est toujours pacifiste, d’ailleurs il voulait faire objecteur de conscience, mais, au cours de sa folle jeunesse pétrie d’amour libre, il a rencontré sa femme, alors il lui a fallu se dégager bien vite des obligations militaires, pour pouvoir assurer un revenu régulier à sa petite famille alors à peine éclose. Snif. Nonobstant ces contraintes bassement matérielles, il n’a rien perdu de ses convictions pacifistes : la guerre en Afghanistan l’a traumatisé, c’est dur de devoir tuer des gens pour leur bien, mais on ne pouvait pas non plus laisser faire les terroristes, hein, comme dit son copain qui a fait le Larzac, et qui est maintenant créateur dans une boîte de pub spécialisée dans le design web-new-wave.

Mais le militantisme, ce n’est plus de son âge, même s’il a signé la pétition de Greenpeace pour la sauvegarde des bébés-phoques ; bien sûr, il a sa carte à la FSU - il est instit’ - mais l’échec de la révolution Mitterrand lui a fait perdre ses espérances en un monde meilleur : fi des sit-in protestataires de sa jeunesse, il occupe aujourd’hui son temps libre en faisant de la randonnée équestre, dans ses belles fringues Aigle qui ont de l’éthique sur l’étiquette.

Sa femme, par contre, toujours engagée, est maintenant une membre éminente de la société civile et associative : entre deux réunions ATTAC, elle anime un atelier de peinture inca, et donne des cours de yoga dans un quartier défavorisé. Et elle voudrait bien lire Marx, mais bon ça ne passe pas en roman-BD dans le Nouvel Obs’ ; alors elle se contente de voter Verts au premier tour, et de rejoindre le peuple de gauche, par réflexe, au second tour, quand le PS l’atteint encore.

Dans leur souci permanent de respiritualiser leur quotidien, ils sont partis trois semaines faire du trekking au Népal, à l’occasion de leurs 20 ans de mariage.

Ne reculant devant aucun sacrifice pour changer le monde, nos deux larrons ont investi dans une voiture écolo, une belle Mégane Scenic avec pastille verte et pot catalytique ; ainsi peuvent-ils, en toute bonne conscience, faire 30 kilomètres chaque samedi pour aller à la coop’ bio acheter des produits issus du commerce équitable.

Nos camarades bien-pensants si bien insérés dans cette société de merde se paient même le luxe, pour réduire l’effet de serre, de laisser leur voiture au garage le dimanche pour se promener en vélo, avant de piquer une petite tête dans leur piscine chauffée par des panneaux solaires solidaires - car construits par une assoc’ chargée d’insérée de jeunes délinquants dans cette même société de merde.

Suivez leur exemple, bonnes gens, un même futur est possible. Pour les HRM, nul besoin de vous forcer, ça viendra tout seul.

Yupanqui