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La révolte des objets

mercredi 16 octobre 2002, par Chépakicé


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Texte glané auprès d’un habitant des Tanneries, qui l’a écrit d’après le bilan de la réunion de cohabitation du 14/10/02 (rassemblant régulièrement objets et habitant-e-s).

Des luttes pour l’émancipation, celle de libération des objets par et pour eux-mêmes est probablement la plus méconnue. Et pourtant, nombreux sont les actes d’insoumission, de sabotage ou d’évasion menés par les objets ayant pris conscience de leur condition. S’ils passent souvent inaperçus, ces actes n’en constituent pas moins, une fois mis en relation, l’évidence d’une guerre constante, de basse intensité, mais à l’oeuvre depuis des dizaines d’années.

Révoltés contre leur condition, les objets le sont. Traîtés sans égard par des humain-e-s qui n’ont d’autre raison de les garder que de les exploiter, la vie des objets s’apparente le plus souvent à une longue suite de sévices. Réalisés à la chaîne, sans attention, ils souffrent d’abord de l’arrachement, quelques secondes à peine après leur naissance, des chaînes de production. Transportés puis stockés dans d’affreuses conditions, ils se languissent ensuite dans les rayons des centres commerciaux, avec des milliers de leurs semblables. Constamment harassés par des consommateurs qui les palpent sous toutes les coutures, ils en deviennent "propriétés", après transactions financières entre gens méchants. Mais le calvaire ne s’arrête pas là. Qu’ils soient employés de force à toutes sortes d’activités ou lâchemement abandonnés dans de poussiéreux greniers, les intérêts des objets se trouvent systématiquement bafoués.

Heureusement, il est des soutiens à la révolte des objets. Si nous les dérobons aux étals des marchands, c’est pour leur faire goûter à la liberté ; si nous les récupérons sur les trottoirs là où ils sont délaissés, c’est pour les sauver d’une lente mais inéluctable agonie ; si nous refusons de les jeter et nous attachons à les recycler, c’est pour les aider à batir de nouvelles vies. En tant qu’habitants de l’Espace autogéré des Tanneries, nous nous déclarons solidaires de la juste cause des objets révoltés contre leurs tortionnaires. Aussi nous sommes-nous efforcés, au cour des dernières années, de constituer une base arrière de cette colère ignorée, un espace d’expression de ces revendications, une plateforme d’organisation de cette révolution !

Malheureusement, nous n’avons pu échapper aux foudres de la réaction. Peu après les premiers moments de solidarité, nous avons constaté les premières disparitions ciblées. Interrogés, les objets se sont avérés aussi incrédules et inquiets que nous à ce sujet. Ayant remarqué que les objets kidnappés comptaient souvent parmi les plus fervants dissidents, nous sommes arrivé-e-s à la conclusion que ces larcins étaient l’oeuvre de contre-révolutionnaires. De saboteurs. De briseurs de grève et de rêves. De tenants de l’ordre et du pouvoir propriétaire.

Qu’ils soient jaloux de voir les objets vivre en harmonie avec nous ou qu’ils tentent intentionnellement de condamner cette utopie, les auteurs de ces actes participent d’une intolérable répression, à laquelle nous devons mettre fin au plus vite ! Dès maintenant, organisons-nous pour que cessent des rapts, et pour que les camarades enlevés puissent regagner leur foyer ! Tout un-e chacun-e peut contribuer à la lutte, en assurant la protection des objets, en s’inquiétant du sort de ceux portés disparus, en faisant connaître leur mouvement et en participant à la constitution, aux Tanneries ou ailleurs, d’un authentique espace d’expression et de liberté pour ces derniers.

Pour qu’il n’y ait plus jamais d’objets perdus !
Pour que cesse l’oppression des humains sur les objets !
Pour la RÉVOLTE DES OBJETS ! Humains et objets, solidarité !



Chépakicé



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