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Je m’appelle Angelo, j’ai 24 ans et je viens juste de mourir. mardi 11 février 2003, par Angel51 |
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D’aucun diront que j’étais trop jeune pour le trépas, ils ont tort. Ces 24 années d’existence, riches d’expériences en tous genres, m’ont épuisées aussi bien mentalement que physiquement. Je suis un digne représentrant d’une génération que les sociologues appellent la génération X, "the lost generation". Des milliers de jeunes gens dont la seul "erreur" fut de naître dans un monde avorté, dans une famille éclatée, dans les bras de la télé. Je me souviens de mon premier ordinateur, un commodore 64 sur lequel quelques rangées de pixels excités faisaient apparaître le squelette d’un bonhomme. Ensuite est venu l’Atari Stf qui m’a fait découvrir que la musique n’était qu’un empilement génial de différentes fréquences et que les mannettes de jeu étaient d’une fragilité accrue dans les mains d’un enfant. L’Amiga, lui, a fait de moi un adepte des jeux de plateformes ; enfermé dans deux pauvres dimensions, je m’efforçais d’éradiquer les goules à coups de hâche à deux mains. Enfin le P.C., fourni avec Micro$oft Windows 95, m’a asservit quelques temps avant de découvrir que l’on pouvait se libérer en mettant un pingouin, espèce méconnue, dans son ordinateur. J’ai essayé l’anarchie, l’auto-gestion. "La scène" ressemble à une vieille brocante où s’emmellent des anargeeks passionés, des punks assoifés, des petits chefs sclérosés et bien d’autres riches produits de notre société. On discute jusqu’à l’aube et une fois que tout est dit et fait, il est plus dit que fait. On s’apperçoit finalement que l’on retrouve un univers que l’on connait déjà. J’ai tant bu de pastis que je me sens à moitié marseillais. cinquante et un degrés de bonheur à danser des tangos endiablés avec les plus belles roses, à jouer des flamencos enflammés à quatre heures du matin dans les rues de Belfort (oui c’était moi) et à embrasser filles et garçons, finalement peu importe. Mais n’oublions pas les quarante neuf autres degrés qui vous garantissent eux, de passer une nuit misérable la tête dans la cuvette des toilettes. J’ai pris de la drogue, je me suis "défoncé". Je n’avais jamais eu de conversations de si haut niveau, je n’avais jamais manié les concepts aussi facilement, je n’avais jamais été véritablement trompé par mes sens auparavant. Mais à quoi bon si c’est pour ne plus se souvenir de rien le lendemain. Lisa Gerrard qui m’a fait danser avec les anges, Dvorak diriger un orchestre, Björk m’a appris que l’Islande n’était pas un pays imaginaire, Diana Krall m’a fait comprendre que l’on pouvait être blonde et avoir de gros seins sans forcement être une pouffe et Georges-Alain de la Star académie, que l’on pouvait écouter Ben Harper et faire de la musique de merde. Par une nuit d’été, sous une odeur de foin humide, j’ai tenu la main de cette fille en imaginant notre dernière minute d’étreintes qui effacerait notre virginité pour toujours. Deux sillouettes sur une colline, ombres sur un fond de ville rougeoyante des lampes à sodium. Saint-Ex m’a fait ressentir les vibrations de la carlingue quand on survole le sahara, Edgar Allan Poe m’a emporté dans son maëlstrom fantastique à forme de tonneaux, Bruce Sterling m’a plongé dans l’oeil du cyclone de la matrice et Ray Bradbury m’a fait verser des larmes de 451 Fahrenheit, température à laquelle un livre s’enflamme et se consumme... J’ai vécu deux ans aux Etat-Unis, les américains ont vraiment une culture étonnante. J’ai appris là-bas à marier les tranches de salami, de jambon et de "cheddar" comme déjeuner, à arroser des jeunes filles à moitié nues dans les bars et à parier, complètement bourré, sur des courses de chevaux qui se déroulaient en Australie. J’ai pris l’avion et j’ai rencontré Ilona, une fillette de onze ans, mi-New-Yorkaise mi-Hongroise. Sur un vol New-York-Paris, nous avons discuté toute la nuit pour ennuyer les gros américains qui étaient devant nous. Et puis, elle s’est endormie, un visage d’ange, une mèche blonde sur la paupière, je la recouvrai. Elle ne m’a laissée pour seule empreinte la photo du soleil levant cadrée par le hublot alors que je m’étais assoupi. Je me suis marié un vendredi 13 pour divorcer à la saint-valentin, je suis un grand romantique. L’amour s’envole dans la fumée de l’encens que l’on brûle, on la voit, on la sent mais on ne peut la saisir. Ce que l’on peut néanmoins comprendre, c’est que le mariage est un sujet d’une complexité insoupsonnée quand on a vingt et un ans et juste deux années d’expérience de vie estudiantine. Ce ne sont que mes perceptions propres de ma vie, aujourd’hui je suis mort. |
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