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Le commerce équitable, ou le néo-colonialisme à visage humain

juillet 2002, par Yupanqui


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Le commerce équitable est un système d’échanges commerciaux entre Nord et Sud, mis en place par des ONG telles que Max Havelaar, et visant à garantir aux producteurs du Sud un prix d’achat décent pour leurs marchandises. Soit. Les bobos du "Monde Libre" ont donc toute latitude de soigner leur bonne conscience en achetant ces produits labellisés "éthique".

Je ne remettrai pas en cause la bonne volonté des bénévoles grâce auxquels cette filière existe ; je ne nierai pas l’amélioration des conditions de survie des agriculteurs du Sud vendant leurs produits par ce biais.

Toutefois, au-delà de ces considérations lénifiantes, et malgré le quasi-consensus actuel sur la question, il nous faut questionner plus avant la pertinence réelle de la démarche du commerce équitable.

Résumons tout d’abord les origines du commerce international dans sa forme actuelle : de même que l’exploitation colonialiste a toujours brandi le "flambeau civilisateur" cher à Jules Ferry, lorsque vint le temps de l’après-guerre et de la décolonisation, dut être imaginé un autre prétexte à l’ingérence des pays industrialisés dans les affaires du Sud, une autre grossière ficelle pour remettre aux calendes l’autodétermination des peuples. Ce prétexte, cette ficelle, fut le concept de "développement", à savoir l’application par décalcomanie au Sud des recettes ayant si bien fonctionné au Nord, pour transformer l’individu en robot ultra spécialisé - donc dépendant - et pour réduire à néant tout lien social, toute solidarité préexistants : division du travail, spécialisation, globalisation économique, dépendance à la technologie, et tout autre mécanisme visant à rendre l’individu égoïste ET dépendant.

Ces procédés, appliqués méthodiquement aux pays du Sud par les capitalistes et leurs ambassadeurs internationaux (FMI, Banque Mondiale, OMC), ont eu pour principal objet la mutation de l’agriculture vivrière en une agriculture d’exportation, avec les résultats suivants :
-  perte de l’autonomie alimentaire, avec des exemples de pays dont la population meurt de faim, mais qui, heureusement, honorent leurs contrats d’exportations agricoles ;
-  soumission aux lois du marché, avec une demande pouvant rapidement fluctuer en fonction des effets de mode générés par la société de consommation du Nord ;
-  mise en concurrence des pays du Sud : pour éviter toute solidarité entre eux, on n’a pas trouvé mieux, et au pire ça déclenche quelques guerres, tac tac on vend des armes, tac tac on place au pouvoir un dictateur à notre botte, youpi !
-  globalisation & délocalisation de l’économie, d’où investissements en infrastructures, d’où endettement...
-  déséquilibre de la balance commerciale : ben oui, quand on vend des matières premières pour acheter des produits transformés, voire des machins technologiques servant uniquement à l’élite capitaliste locale ? l’endettement ne peut qu’augmenter ;
-  monocultures appauvrissant le sol, déforestation ;
-  industrialisation à la marche forcée, provoquant l’exode rural et la désintégration du lien social et des solidarités.

Ce système bien rôdé a instrumentalisé le Sud, lui laissant - spécial bonus - des dettes le mettant à la merci des démanteleurs professionnels de services publics que sont FMI, Banque Mondiale, OMC et assimilés ? et les mouvements anti-mondialisation contemporains, tels qu’ATTAC, s’ils ont bien décrit ce processus général, voient comme à leur habitude des solutions là où il n’y en a pas. Le commerce équitable, en particulier, ne règle en rien le problème de fond ; certes, mais il ne prétend pas le faire, me direz-vous. Mais si seulement il allait dans la bonne direction ? car, selon moi, le commerce équitable ne fait que freiner le train infernal dans lequel nous allons droit à la catastrophe humaine et écologique, quand il faudrait l’arrêter et changer de direction sans tarder.

Quand il faudrait aller vers une plus grande autonomie économique locale, le commerce équitable se contente de vaseliner les échanges internationaux, tout en enfonçant le Sud dans sa dépendance à l’exportation ; en cela, on peut dire que les promoteurs du commerce équitable veulent nous faire croire à un impérialisme économique à visage humain ;

Quand les habitants du Sud devraient prendre conscience de leur aliénation économique et culturelle, le commerce équitable accrédite, dans l’imaginaire collectif, l’idée selon laquelle le Sud aurait besoin du Nord ; en traitant ainsi les habitants du Sud comme des inférieurs qu’il faudrait éduquer, il n’est qu’une résurgence de l’idée colonialiste "de gauche" du XIXe siècle.



Yupanqui



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