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L’Homo Aigritus dimanche 24 mars 2002, par Yupanqui |
Dans le même numéro :
Coupe-Gorge par TéhèR L’Espace Grévin Dessins en vrac Mort aux cons ! par TéhèR Fin de journée parmi la froideur métallique des intégristes de la bagnole par ECN Les brèves par Yupanqui La Science, un nouvel obscurantisme ? par Younine , Yupanqui Thèmes abordés : Caractères Le Hippie-Rasta moderne, ou la bonne conscience en solde par Yupanqui Le vieux bobo écolo (mais pas trop) par Yupanqui Le Beau Prétentieux par Yupanqui |
... "Je ne crains rien de ce qui vient de vous ;
Après avoir abondamment glosé sur le Hippie Rasta Moderne, penchons-nous ce mois-ci sur le cas de l’Homo Aigritus, lui qu’on ne peut soupçonner ni de bobo-isme latent, ni de moutonnisme aggravé, ni de léthargie cérébrale. En effet, il n’aime ni les bobos, ni les moutons, ni les cons. Entre autres. Car son hyperactivité intellectuelle le met à l’abri du calibrage opéré par la société de consommation qui, c’est bien connu, rend les gens heureux. Cons, mais heureux. L’Homo Aigritus n’est pas heureux. Lui, qui n’est pas "tendance". Lui, qui n’est pas con. Lui, qui a conscience de vivre dans un monde de merde, construit par et pour ceux qui en profitent, aux dépens de la masse robotisée. L’Homo Aigritus n’aime rien ; et il en souffre beaucoup. Sa capacité d’émerveillement s’en est allée dès l’âge de trois ans, le jour où une certaine Bernadette C. l’a embrassé sur le front. Ce choc psychologique, conjugué à une acuité intellectuelle supérieure à la moyenne, devait déterminer la suite de sa vie ; elle fit naître en lui une aigreur et une haine des autres hors du commun. À l’écouter, on réalise rapidement qu’il voit le monde à travers des verres traités anti-beau : à peine entend-il des gazouillis aviaires qu’il lui vient une indescriptible envie d’attraper les fautifs, de les étrangler, de leur arracher les yeux, et de leur enfoncer les plumes dans le croupion. S’il surprend des amoureux se bécotant sur un banc public, il sera révolté qu’on puisse être heureux de façon si obscène malgré la misère ambiante. Son occupation habituelle est donc de pester contre tout ce qui bouge, qui a bougé, ou qui bougera un jour. Mais aussi contre ce qui ne bouge pas, qui n’a jamais bougé, ou qui s’arrêtera un jour de bouger. Le passé est pour lui détestable, le présent l’insupporte, et quand il se prend à rêver de l’avenir, ne lui viennent à l’esprit qu’explosions, incendies, têtes au bout d’une pique et autres joyeusetés ayant cela de commun qu’elles contribuent efficacement à l’élimination de toute trace de vie, donc de connerie. Charmante ambition. Il est l’exacte antithèse du sage oriental, de la mystique olé-olé sauce Bouddha-Krishna-Truc-Bidule basée sur l’acceptation (résignation ?). L’équilibre Yin/Yang, très peu pour lui. Car son personnage est, par définition, excessif. Trop excessif pour être vrai. Il n’est, en définitive, qu’une déclinaison de l’Homo Emotivus. |
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