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La culture de masse & ses nouvelles camisoles mai 2002, par TéhèR |
Dans le même numéro :
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... “J’ai cru rencontrer des grands hommes et je n’ai vu que des singes dans leur propre Idéal.” Nietzche
Comment la civilisation contemporaine en est arrivée à un tel point de dégénérescence ? C’est la question que l’on est en droit de se poser lorsqu’on constate l’étendue des émissions pour ménagère moyenne ou pour jeune boutonneux en mal d’idéal. Cependant, il existe un terrible paradoxe entre l’accessibilité de la culture de nos jours par rapport au reste de l’histoire et l’utilisation que l’individu contemporain en fait. De ce fait, le principe réactionnaire selon lequel nous serions en train de vivre une époque décadente n’est pas viable. Il est bâti sur une volonté de retour en arrière et prône le désormais ineffable mythe d’une société traditionnelle bien plus prompte à la culture que la société contemporaine. Il est généralement admis qu’avant les relatifs progrès sociaux amenés par la République, la masse était volontairement maintenue par les élites dans un état de néant culturel. On comprend aisément l’enjeu d’un tel avilissement au fur et à mesure que la classe dominante modifie ses techniques de conservation. Cette dernière a été de tout temps détentrice de la culture et ce d’une manière revendiquée. Alors, maintenant, après des siècles de République, la masse est-elle plus lucide que sous l’ancien régime ? ça se saurait. Il est évident que depuis l’école obligatoire de Jules Ferry et la multiplication des bibliothèques, les gouvernements successifs des deux derniers siècles ont justifié leur position de supériorité hiérarchique par les progrès sociaux apportés au compte goutte. De la sorte, même si l’éducation est devenue accessible à tous, son fonctionnement à travers L’éducation Nationale est resté élitiste. Ainsi la classe dominante a pu justifier sa légitimité de conserver le pouvoir en maintenant insidieusement au sein de la structure l’inégalité entre classes sociales. Sur ce point, rappelons que les théories de Norbert Hélias et de Pierre Bourdieu n’ont jamais été prises au sérieux dans les milieux conservateurs. Dorénavant, on nous sert cette vaste fumisterie d’égalité des chances sur fond de capitalisme, mais c’est oublier que ce dernier ne permet pas un réel partage du travail et des richesses. En conservant des zones d’élitisme, il maintient des classes sociales bien distinctes. Cependant, et là réside tout son vice, il parvient à réunir ces différentes classes sous l’égide de la même culture. La seule solution de la classe dominante pour ne pas s’attirer d’ennuis fut donc de s’adapter à la culture de masse. C’est ce qui explique que de nos jours nous pouvons voir Chirac applaudir la chair à ballon en sirotant sa Kro et le gouvernement américain placer au pouvoir une marionnette texane neurologiquement défaillante. Et ça a marché ! Voyez ces masses ignares fières d’appartenir à leur nation. Seulement, cette lobotomie massive organisée n’est maintenant possible que grâce à plusieurs instruments dont le principal est la télévision, ce fabuleux mode d’alignement des masses. Ce qui nous différencie réellement aujourd’hui, c’est la marque de nouilles que l’on ingurgite au quotidien. Nous sommes entrés en très peu de temps dans cette société du spectacle que les situationnistes ont défini d’une manière si réaliste. Ainsi, tant que notre président de la République continuera à se montrer à poil devant les journalistes de Voici, la foule bêlante restera paisible. Attachons-nous à définir maintenant la nature de cette culture de masse, car nous sommes en train d’assister à son individualisation, qui s’est faite par paliers : la fin de la seconde guerre mondiale a placé le modèle américain dans une position hégémonique et a entraîné la conception d’un système-monde. mai 68 a permis, en France, le passage du capitalisme traditionnel au néo-libéralisme. avant la dynastie Mitterrand, la radio était un monopole d’état. La culture était homogène. L’émergence des radios libres a permis de fractionner la culture par classes d’âge et d’intérêts. Aujourd’hui nous avançons vers une nouvelle phase, celle de la politique-produit. En effet, dorénavant le plus important n’est pas de savoir si on est de droite ou de gauche, mais si on est plutôt Nike ou Reebok. La culture marchande serait donc le penchant culturel de la politique-produit avec ses propres préoccupations hautement intellectuelles, dont par exemple celle du clivage Star Academy - Loft Story. Alors attendons tranquillement l’aboutissement de cette nouvelle phase en nous confortant dans l’opinion que Malraux avait tord, car le XXIè siècle sera définitivement crétin ou ne sera pas. |
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