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Babylone peine de mort

octobre 2001, par Ma One


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Depuis 1981, et jusqu’à ce que deux tours jumelles s’écroulent, les défenseurs de la peine de mort ne constituaient plus qu’une minorité mollassonne, qui ne se serait pas risqué à crier haut et fort ses convictions désormais barbares et archaïques.

Le onze septembre 2001, c’est la tragédie : des milliers de personnes, des gentils, des méchants, des pères et mères de famille, des pompiers, des blancs, des noirs, des jaunes, des juifs, des bouddhistes, des chrétiens, des musulmans, des doux, des violents, des modérés, des extrémistes, trouvent la mort dans des circonstances atroces, atrocité qui ne sera jamais justifiée par aucune cause ni aucune idéologie. Traumatisant au passage les trois quarts de la planète, des terroristes pour l’instant fantômes ont foulé au pied toute dignité, toute tolérance, toute parcelle d’humanité en décidant pour le monde entier de la voie à suivre pour arriver à des fins qu’eux jugeaient probablement prépondérantes sur toute autre considération.

À Chambéry, ville charmante et souriante au fond de sa cuvette savoyarde, le taux de partisans de la peine capitale s’est brusquement élevé à 98% à l’annonce de la catastrophe américaine, et ce sans distinction de milieux, de religions, de niveaux de vie ou autres. Il semblerait que la peur transforme tous nos acquis culturels, intellectuels et moraux en chair à pâté, au profit de nos pulsions libidinales les plus obscures... L’instinct de conservation individuel prend le pas plus dangereusement encore qu’à l’accoutumée sur l’instinct de survie collectif qui serait pourtant plus à même de sortir notre monde de l’absurde, de la logique de la violence et de l’autodestruction.

La peine de mort ? Qu’est-ce qu’elle vient faire là, celle-là ? La peine de mort pour qui et pour quoi ? Veut-on la réinstaurer durablement ou la réserver aux financeurs de l’attentat des tours jumelles ? Dans tous les cas, en quoi la peine de mort pourrait-elle apporter une solution ou sauver le monde ? La seule raison valable résiderait dans la logique de vengeance : il a fait du mal, il faut par conséquent lui rendre le mal qu’il a fait. Logique émanant d’un niveau mental avoisinant celui d’un enfant de deux à sept ans, après quoi celui-ce accède à l’âge de raison, au cours duquel il intègre les sermons réitérés de ses parents édictant en substance que « ça ne sert à rien de rendre les coups à ton frère, sinon on n’en finira jamais, faites la paix et arrêtez de vouloir sans cesse ce que l’autre possède ». D’ailleurs, en parlant de vengeance, ils sont sans doute nombreux ceux qui voudraient faire leur fête notamment aux auteurs du génocide rwandais (1 million de morts assassinés) et qui sont en l’occurrence les États-Unis et la France (lire « On ne piétine pas les étoiles » de François Lefort - éditions Fayard, pour ceux qui tombent des nues). Peut-être le monde occidental est-il lui-même victime d’un retour de manivelles, peut-être la vengeance est-elle en plein essor, peut-être est-il temps de se regarder en face et de se faire tout petit après les horreurs que nous avons commises au nom du fric. Si nous répondons à la violence elle-même déjà engendrée par la violence, quand la violence s’arrêtera-t-elle ?

La peine de mort pour les auteurs même de l’attentat ? Pourquoi ? Pour faire un exemple ? Par politique de dissuasion ? Depuis l’aube des temps la dissuasion n’a jamais eu l’effet escompté, elle amène au contraire une recrudescence de dissidence. Il n’est pas besoin de remonter aux premiers chrétiens persécutés, chrétiens aujourd’hui au nombre de plus d’un milliard, pour savoir que la dissuasion est une illusion. Les chrétiens ont à leur tour persécuté juifs et musulmans pendant des siècles, or, qui fait sauter des bombes et des avions à l’heure actuelle... ? Quand prendrons-nous réellement nos responsabilités afin d’enrayer le cycle infernal de la violence ?

La peine de mort réinstaurée ? Nous avons eu le temps de constater, en vingt ans, que son abolition n’avait eu aucune incidence sur la délinquance, ni en augmentation ni en diminution : c’est dire si la répression, qu’elle soit légale ou non, indiffère délinquants, grands criminels, extrémistes et autres creusets de la violence en ce monde.

Depuis des millénaires la violence sous toutes ses formes s’acharne à prouver sa légitimité, mais ce sont Jésus, Gandhi, Moïse, Luther King, Bouddha, Mohammed et beaucoup d’autres défenseurs de la paix et de l’amour qui ont conquis le monde, et dont toutes les dictatures de l’histoire ont tenté et tentent encore, en vain, d’effacer l’empreinte.

La violence et l’abus de pouvoir n’ont toujours eu qu’un temps ; manque de chance, nous nous trouvons du mauvais côté de la barrière. Arrêtons de nous donner bonne conscience pendant que nous écrasons de misère la moitié du monde, ouvrons les yeux et remettons en cause notre bon droit d’occidentaux pourris et boursouflés de biens excessifs.

Prenons notre courage à deux mains et ouvrons les yeux !



Ma One



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